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Culture Perso

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28 août 2008

Alain Setrouk, interview inédite

Alain Setrouk, l’histoire d’une thérapie martiale 

Importateur du karaté Kyokushinkaï en France dès 1969, Alain Setrouk est réputé pour son approche réaliste du combat à mains nues. Chercheur passionné et enseignant charismatique, il définit l’entraînement au combat comme un principe de vie. Interview…Alain_Setrouk

Comment s’est passée votre première rencontre avec le monde des arts martiaux ?

Alain Setrouk – Mon premier contact a été déterminant. Alors que j’étais militaire, j’ai assisté par hasard à une surprenante démonstration de l’efficacité des arts martiaux : un appelé comme moi avait proposé un combat à un adjudant chef et l’avait proprement descendu au premier coup de pied ! Cet évènement fut comme un déclic. J’appris par la suite qu’il s’agissait de karaté, une pratique qui en 1964 semblait encore totalement mystique pour les Français et fédérait alors peu de pratiquants. Je fus néanmoins conquis par cette démonstration de puissance pure.

Vous avez alors décidé de vous former au combat à mains nues ?

- Oui ! C’est à ce moment là que je me suis intéressé au karaté, mais sans être attiré par le combat pour le combat. Dès le début, c’est le côté purement interne qui m’a séduit, la recherche pure en quelque sorte. C’est çà qui m’a accroché et qui fait qu’aujourd’hui encore j’éprouve toujours le même plaisir en travaillant, en cherchant toujours à préserver cet état d’esprit.

Le Karaté occupe donc une place centrale dans votre vie ?

- A titre personnel, le Karaté est un besoin quotidien. M’imprégner de ce travail me permet de me placer, de mieux aborder les préoccupations de la vie quotidienne. Car chacun subit des agressions énormes qu’il est possible de mieux gérer grâce aux arts martiaux. Dans mon cas, l’entraînement est essentiel puisqu’il me permet d’encaisser beaucoup plus et de préserver mon équilibre.

Plus concrètement, qu’est-ce que votre style, le Kyokushinkaï, peut apporter sur le plan physique et moral ?   

- Le mot « Kyokushinkaï » est une étiquette qu’on me colle, c’est vrai ! Disons que j’ai un enseignement de base très inspiré de cette école parce que je la trouve plus vraie que tous les autres styles que j’ai pu pratiquer au cours de ma carrière. J’ajoute que le Karaté considéré seulement comme un sport de combat ne m’intéresse plus, parce que cela réduit tout simplement cette activité à un sport tout court.

Je pense qu’il est important de considérer plusieurs étapes dans la pratique, au début on est jeune et il est préférable de se consacrer au travail physique intense, mais il est aussi essentiel d’avoir une ouverture sur le travail interne. C’est pourquoi ma recherche intègre cette dimension, le rôle du psychique permettant de compenser ce que l’on perd sur le plan physique par l’acquis et l’approfondissement des principes. J’entends ainsi par « travail interne » cette volonté de comprendre comment nous fonctionnons au niveau énergétique et comment l’impulsion psychique peut à certains moments créer le surpassement.

Quelle est selon vous la finalité du karaté ?

Chacun s’approche du karaté à titre individuel et conçoit sa propre finalité. En ce qui me concerne, je compte sur les arts martiaux pour préserver ma santé et prévenir les années difficiles en essayant de garder un corps relativement jeune. Même si j’ai subi beaucoup de détériorations sur le plan physique avec les années, cela m’a quand même permis de cultiver mon énergie en travaillant intensément afin de préserver des capacités que je considère comme étonnantes pour un homme de mon âge. Pour moi c’est un résultat énorme, c’est pourquoi je cherche à affiner perpétuellement mes recherches dans le mouvement au niveau interne afin d’accéder à l’élévation, cette joie, cette satisfaction que l’on ressent à vouloir toujours aller plus haut. Je mise en effet sur la disponibilité physique car il est fort agréable de savoir que l’on peut se défendre à tout âge. Et c’est peut-être cela la finalité du karaté : pouvoir dépasser le côté dramatique de la vieillesse, être encore bon à quelque chose et pouvoir réagir en cas de besoin !

Quel est votre point de vue personnel sur le principe de l’énergie ?

Il est vrai qu’en ce qui concerne l’interne, certains maîtres ont pensé et défini au cours des siècles précédents des postures qu’ils ont mis au point pour canaliser l’énergie. Car lorsqu’on parle d’énergie, il faut d’abord la ressentir. Il est donc nécessaire d’identifier le circuit d’énergie simple afin de pouvoir ensuite projeter cette énergie à partir de son foyer. Il faut être capable de la faire irradier des parties basses du corps jusqu’en haut parce que dans chaque geste il est souhaitable d’amener l’énergie jusqu’au point de contact, c'est-à-dire au bout du geste. Si par exemple on tient un bâton ou un sabre, il faudra faire passer cette énergie à travers le bâton en la conduisant intentionnellement.

Ces dernières années, quelle type de progression avez-vous ressenti dans votre pratique ?

La progression personnelle consiste selon moi à percevoir d’une façon nouvelle un principe ou un geste en intégrant des nuances qui peuvent tout changer d’un instant à l’autre. Le problème, c’est que plus on avance en âge, plus on stagne. Et non seulement on stagne, mais si on n’entretient pas l’acquis, on régresse.

Avez-vous le sentiment d’être en quelque sorte guidé par la philosophie asiatique ?

C’est indéniable ! Je suis tourné vers des cultures spécifiques (japonaise par exemple) en rapport avec mon art et j’ai puisé des connaissances dans toutes les lectures dont je me suis imprégné au fil des années.

« Le karaté m’a servi de psychanalyse ! »

Cet état d’esprit a-t-il influencé votre enseignement ?

J’en suis absolument convaincu ! Il y a dans ma façon d’agir, que ce soit dans ma vie de tous les jours ou dans ma vie professionnelle, des réactions de karatéka, des façons de penser, d’analyser, de réagir, de vivre les timings de tous les jours, les moments où il faut se retrouver, où il faut faire face.  C’est pour cette raison que je me suis énormément investi dans la dimension interne. Si je me comprends aujourd’hui, c’est parce que j’ai réalisé un travail d’introspection qui fait que je me sens beaucoup mieux en tant qu’homme. Avant que le karaté entre dans ma vie, j’avais l’impression d’être paumé, je ne savais pas trop où j’en étais. Le karaté m’a servi de psychanalyse !

Vous considérez-vous comme un professeur ou comme un maître ?

Lorsqu’on parle d’un professeur ou d’un maître, on parle avant tout d’un homme. Il y a ceux qui accèdent à des niveaux spirituels extraordinaires, hors du commun, des philosophes en quelque sorte, qui ont atteint un certain degré de sagesse. J’ai pu approcher des tas de maîtres (japonais, chinois, vietnamiens, coréens) qui revendiquaient ce statut. Je suis pour ma part gêné par ce terme, et ne pourrais attribuer ce titre qu’à certains d’entre eux. Il reste que mon impression générale sur l’enseignement des arts martiaux est assez mitigée. Il y a ceux qui extérieurement montrent de la belle gymnastique, la partie émergeante de l’iceberg en quelque sorte, alors que selon moi c’est ce qui est en dessous qui est le plus important, car en définitive c’est cela qui équilibre. J’ajoute que mon opinion personnelle à propos de l’idée de maîtrise est très prudente, car la maîtrise, c’est la finalité. A mon avis, on meurt un jour en se disant : j’ai senti dans ma vie à un certain moment que j’étais capable de maîtriser complètement telle chose.

Et même si en vertu de ma carrière et de mon niveau (huitième Dan), on m’accorde ce titre, je n’ai jamais demandé dans une salle qu’on m’appelle maître, car je considère qu’un véritable « sensei »  doit s’investir complètement dans l’art martial et vivre en marge de la société. Rappelons-nous que pour un maître digne de ce nom, vivre dans la société est la chose la plus difficile qui soit. Cela signifie être au milieu des loups sans être un loup ! Certains, par exemple en Chine ou au Japon, on accepté de se consacrer à cette voie en cultivant une richesse interne extraordinaire au point de devenir parfois des monuments historiques !

Vous-même avez-vous bénéficié d’un enseignement exceptionnel ?

Mes premiers professeurs m’ont très certainement influencé. Je pense notamment au brillant Yoshinao Nambu un japonais qui fut mon professeur et mon ami et qui reste aujourd’hui encore une référence pour moi. A l’époque, je suis d’ailleurs parti au Japon vivre dans sa famille pour essayer de comprendre son art et m’imprégner de sa philosophie personnelle. 

L’inconvénient avec les vrais maîtres, c’est qu’il est souvent difficile de s’entraîner avec eux parce qu’ils enseignent des méthodes tellement ancestrales et tellement dures que la majorité refuse de se soumettre à cette discipline. Sur le plan commercial, je dirai que cette démarche constitue souvent un échec. Ils n’ont que peu de chances de réunir du monde dans leurs salles ou dans le lieu d’enseignement choisi en pleine nature, même s’ils persévèrent le plus souvent au point de devenir de véritables personnages aux pouvoirs assez étonnants.

Comment définiriez-vous votre enseignement des arts martiaux ?

Mon enseignement est très varié car je ne m’inspire pas exclusivement du karaté. Aujourd’hui, j’ai choisi une base et j’enseigne beaucoup de choses complètement différentes ainsi que des techniques qui sont directement issues de ma recherche personnelle. Pour prendre conscience de cette énergie il y a d’abord les postures simples et pourtant difficiles qui permettent sur le plan physiologique de placer correctement le corps en le rendant apte à déclencher une forme de respiration censée éveiller le pratiquant. En effet, certaines formes de respiration animent de manière différente l’organisme et c’est à travers la posture que l’on peut découvrir son corps et prendre également conscience de cette énergie qui est là. Il est donc nécessaire de pratiquer différentes postures, statiques ou en mouvement, pour prendre conscience qu’il y a quelque chose en nous d’extraordinaire, un courant d’énergie qui passe dans le corps et qui peut permettre de réaliser des choses parfois considérées comme anormales. Ce sont ces phénomènes que l’on retrouve dans certains états « limites » lorsqu’un sujet fait une crise d’hystérie durant laquelle il sera capable par contraction de se briser les os.  On a vu par exemple des gens attachés par des sangles se débattre au point de se casser l’os du tibia. Il y a donc des phénomènes directement liés au psychisme qui peuvent transcender notre état normal en libérant cette énergie qui est en nous à certaines occasions.

Pensez-vous que la pratique d'un art martial peut aider à canaliser ces forces qui sont en nous ? 

Je dirai que les gens sont confrontés au problème de la peur tous les jours, à divers degrés. Et je ne parle pas seulement de la peur d’une agression mais aussi de l’inquiétude qui peut se traduire dans le cadre du travail, des études, voire même des appréhensions confuses. Ainsi, nous cherchons tous par divers moyens à améliorer notre état psychologique pour juguler ces peurs. Or, même si la condition physique joue un rôle important dans ce domaine, je préconise également une recherche interne, afin de dépasser certains blocages qui peuvent nous empêcher de nous réaliser dans certaines situations et ainsi parvenir à se dominer. Le corps et l’esprit forment un tout. La douleur par exemple se mesure différemment selon les personnes. Si vous êtes fragile psychologiquement, les coups seront très douloureux, alors qu’un esprit fort recevra le même choc sans être trop marqué. C’est le caractère qui fait la différence, et non le physique. Il est donc important de s’aguerrir à ces sensations par différents exercices pour tenter de contrôler ses appréhensions face à la douleur. Car tout commence dans la tête : on ressent la douleur avant même d’avoir pris un coup. Et chacun sait que lorsque la peur s’installe, c’est la débâcle.

Quel est votre sentiment à l’égard de la transmission de votre savoir ? Retirez-vous une satisfaction lorsqu’un élève semble avoir intégré un nouveau principe ?

C’est un peu comme s’il avait réussi à prendre une partie de moi-même, cela m’est arrivé à maintes reprises, et c’est toujours un moment fort et enrichissant pour chacun de nous. En 25 ans d’enseignement, j’ai eu des milliers d’élèves que je retrouve maintenant dans la vie professionnelle à tous les postes, et même quelque fois aux plus hautes responsabilités, dans les gouvernements par exemple. Et ma plus grande satisfaction, c’est de les entendre dire qu’ils gardent un souvenir de ces années passées avec moi, de cette force que je leur ai communiquée et qu’ils ont su appliquer dans leur vie. Je suis heureux d’avoir pu contribuer à leur épanouissement en les aidant à s’affirmer davantage.

Merci à Alain Setrouk de m'avoir accçordé cet entretien

dans le cadre de son dojo Parisien au début des années 90...

Claude Boiocchi 


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1 novembre 2007

I've seen things....

Voici la scène de Blade Runner qui inspire la baseline de ce blog. Sa poésie et son humanité donne une idée de la façon dont nos frictions avec le monde élaborent notre singularité, pour faire de notre culture personnelle une vision artistique du monde et notre ultime leg.

"I've seen things you people wouldn't believe.
Attack ships on fire off the shoulder of Orion.
I watched C-beams glitter in the dark near the Tannhauser gate.
All those moments will be lost in time....
......Like tears in rain. Time to die"


Blade Runner - Like tears in rain...
envoyé par Neobladerunner

31 octobre 2007

L'enfance de l'art

La vocation pour le saut à la corde et l'entraînement peut venir très tôt !


Fight For Kisses //// www.ffk-wilkinson.com
envoyé par killafather

Sinon, pour les adultes qui veulent s'y mettre sérieusement (au saut à la corde!), je donne des cours tous les jours à l'Ile de Puteaux à deux pas du quartier d'affaire de La Défense :

6 août 2007

Sortie du dvd : " Je m'entraîne donc je suis!"

CouvdvdEDPAprès avoir publié en juin 2004, Equilibre et vitalité, créez votre dynamique personnelle, j'ai le plaisir de vous annoncer la sortie du DVD qui présente les principes de l’Entraînement Dynamique Personnel (EDP) que j'enseigne depuis plusieurs années aux particuliers et aux entreprises.   

Alternative aux offres classiques, « Je m’entraîne donc je suis ! » souligne les bienfaits d’une perception évoluée du corps (gestion du poids, harmonie du mouvement, sens du timing) et permet à toutes et tous de ressentir les effets d’une expression corporelle maîtrisée.

Sommaire du DVD :

-        Un reportage exclusif tourné pendant un stage d’EDP. L’occasion de découvrir une pédagogie originale axée sur la qualité de présence et le travail postural

-          Quatre leçons interactives : méditation posturale, mouvements circulaires, saut à la corde et déplacements

Bonus :

-       Une galerie de photos signée Luc Guéronnet
-       20 conseils pour garder l’état d’esprit de l’EDP au quotidien
-       Un focus sur la PowerBall, l’accessoire idéal pour ressentir la dynamique des forces

Contact presse : Marie-Laure Hustache
hustacheml@free.fr / 06 69 25 04 42

4 avril 2006

Infidèle

infidele_1_Ne dit-on pas des réalisateurs de génie qu’ils brodent toujours sur le même thème? Dans son film Infidèle, sorti début juin 2002 sur les écrans français, Adrian Lyne met en scène une femme entre deux âges qui croit échapper au poids de la vie quotidienne en succombant à la passion.

Dans 9 semaines et demi, Kim Basinger voyait déjà sa vie bouleversée par le coaching érotique du troublant Mickey Rourke. Dans Liaison Fatale, Michael Douglas mettait son couple et sa vie en danger en sous estimant l’incidence d’une brève rencontre avec l’inquiétante Glenn close. Puis ce fut au tour de Demi Moore qui, croyant fuir la médiocrité, acceptait la Proposition indécente de Robert Redford contre un million de dollars. Enfin, le remake réussi du film Lolita de stanley Kubrik mettait en scène un Jeremy Irons déboussolé, éperdument amoureux d’une mineure ensorcelante. Aujourd’hui, toujours devant l’œil attentif d’Adrian Lyne, c’est au tour de Diane Lane d’alléger le poids de ses névroses en répondant à l’invitation au voyage d’un jeune séducteur français pétri de poésie, incarné par Olivier Martinez.

Infidèle apparaît donc comme un classique du genre, une histoire réaliste d’adultère dans laquelle on suit une femme en proie au doute, sorte de personnage bovarien qui aspire à plus d’émotion et d’action et qui désire avant tout être « cueillie » par le désir de l’autre. C’est ainsi que Diane Lane, prénommée subtilement Constance pour l’occasion, décide de ne plus être fidèle à ses principes et à l’idée qu’elle pouvait se faire de son couple. Mariée à un homme bien sous tout rapport (Richard Gere), déjà maman d’un garçonnet, elle se laisse captivée par un jeune inconnu qui flatte merveilleusement sa beauté en méprisant cruellement sa personne et son passé. Voilà donc un personnage féminin dépossédé de son existence par un homme inconsistant, mais esthète et adorateur de « la » Femme. Ainsi de la même façon que le couple formé par Nicole Kidman et Tom Cruise nous engageait à distinguer la réalité du fantasme pour voler au secours d’un bonheur conjugal menacé dans le très pédagogique Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, la fin tragique d’Infidèle nous incite à reconsidérer la valeur d’une existence face au temps qui passe et qui affadit notre perception des êtres et des sentiments.

Claude Boiocchi

Coach & consultant

Chronique ciné publiée sur e-novateur.org

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3 avril 2006

Pornographie ou érotisme?

pornographieEst-il possible que je sois indifférent au spectacle de l’érotisme ? Comment puis-je être excité par un programme aussi extravagant que la pornographie ? Et si l’érotisme et la pornographie nous mettaient en demeure d’identifier les mécanismes déclencheurs de notre excitation sexuelle ?

En tant que spectacle, l’érotisme procure l’étrange sentiment d’être à la fois frustré et privilégié dans la mesure ou ce qui se donne à voir est subtilement dosé et harmonieusement distillé. Souvent considéré comme une expression stylisée et artistique, l’érotisme évoque l’acte plus qu’il ne le détaille, il montre les frémissements du plaisir ressenti dans une sorte d’exhibitionnisme poétique librement consenti par les protagonistes. Une ambiance particulière tamise les effets et la nudité se profile au travers d’un filtre qui tempère l’émotion et prolonge l’instant.

La pornographie se veut plus exhaustive et prétend montrer l’acte sexuel dans son intégralité. La dimension esthétique se trouve le plus souvent anéantie par cette démarche souvent obscène dont le flux d’informations dépasse de loin les compétences d’assimilation du spectateur. L’objectif n’est plus de peindre les visions, les réminiscences ou mêmes de retranscrire les fantasmes mais de faire le reportage objectif d’un passage à l’acte scruter par l’œil implacable du pornographe.

Pour distinguer l’érotisme de la pornographie il semble donc nécessaire de situer une zone mitoyenne permettant d’évaluer le glissement progressif d’un genre à l’autre. L’expression pornographique délaisse l’économie de moyen pour offrir au regard un traitement quantitatif et répétitif de la scène en limitant la prise en compte du caractère esthétique et poétique. Certes, le mauvais goût s’invite volontiers dans une œuvre érotique et n’est donc pas réserver aux seuls pornographes. Mais que le style soit grotesque ou non, il faut reconnaître que l’expression érotique n’est pas donnée à n’importe quel amateur ou amatrice. Car le genre érotique nécessite une certaine justesse de ton et un sens de l’expression corporelle qui échappe à la majorité des stars du x. L’art subtil de l’évocation sexuelle reviendrait-il à tenter l’expérience alchimique d’une rencontre heureuse entre la sensualité érotique et l’impudeur pornographique ?

Claude Boiocchi

Coach & consultant

Article publié sur www.sexologie-magazine.com

Photographe: Aydin MATLABI ©2005

8 mars 2006

Vive le vent d’hiver !

kung_fu_13Quantité de contes et légendes racontent les épreuves imposées par le maître au jeune disciple. La série Kung Fu, qui suscita bien des vocations en France, n’échappe pas à la règle et débute par le « test d’admission » du jeune Kwaï Chang Ken laissé plusieurs jours devant les portes du temple. Loin d’être anecdotique, cette séquence montre combien il est important de s’exposer régulièrement aux conditions les plus rudes (le vent, la pluie, le froid, etc.) pour resituer sa démarche et éprouver sa motivation. Je pense même que la rigueur d’un entraînement hivernal forge le mental pour l’année entière et que la passion authentique en sort toujours renforcée.

S‘imprégner des principes de la nature

Les samouraïs ne veillaient-ils pas à entretenir leur âme de guerrier en mettant un point d’honneur à perfectionner leur art, même aux heures les plus froides de l’année ? Et n’est-ce pas dans ce même état d’esprit que Matsutastu Oyama, initiateur d’un Karaté moderne et réaliste, s’isola dans la montagne pendant plusieurs saisons d’affilées pour se concentrer sur l’essentiel et s’imprégner des principes ? Dans une moindre mesure, je me souviens de ces stages intensifs de Kyokushinkaï dirigés par Alain Setrouk, lorsque nous claquions des dents sur les plages normandes. Je revois ces dizaines de pratiquants venus de toute la France pour partager une passion commune et retrouver l’humilité d’un Karaté épuré. J’ai également le souvenir de ces longues séances matinales de méditations posturales dirigées par Maître Ming Shan dans son petit coin de parc parisien. Je me remémore le froid extrême qui nous congelait sur place durant ces interminables heures de Zhanzuang orchestrées par un maître aussi alerte qu’exigeant. Je me revois, si impatient, guettant sa venue de quart d’heure en quart d’heure pour corriger mon attitude et favoriser ainsi la juste circulation de l’énergie.

Toutes ces expériences m’ont enseignées qu’entre l’entraînement en salle et en extérieur il y a autant de différence qu’entre le fait de nager dans une piscine chauffée et dans la mer. Que vaut une salle climatisée, une atmosphère confinée et la dynamique d’un groupe soucieux de son petit confort face au aux conditions vivifiantes d’un parc exposé aux frimas ? N’oublions pas que les « créateurs »  des arts martiaux, qu’il s’agisse de paysans, de moines ou de guerriers, étaient le plus souvent des personnes humbles menant une vie simple et rude. D’aucun qualifieront peut-être cette fascination pour le froid de masochiste et sans doute l’associeront-ils à la quête délirante d’un dépassement absolu de soi-même ! Or là n’est pas mon propos et bien qu’il faille savoir raison garder, y compris lorsqu’il s’agit de l’entraînement, j’encourage néanmoins mes élèves à se mobiliser en toute occasion et à ne surtout pas laisser passer l’occasion d’aller pratiquer ne serait-ce qu’une vingtaine de minutes dans un parc blanchi par la neige, rendu glissant par le givre matinal ou simplement rafraîchi par la pluie. Toutes ces ambiances possèdent en effet comme un parfum d’authenticité. Les repères sont changés, les sensations s’affinent, l’esprit perçoit l’attitude correct ou le geste juste comme autant de récompenses à cette volonté d’être là. Aussi, percevoir ces instants comme une forme de torture serait une erreur, il s’agit plutôt de s’affranchir momentanément du confort de ces dojos tendance qui jurent avec la tradition. Trop de pratiquants confondent encore les arts martiaux avec une sorte de « fitness asiatique en salle » qui se traduit pour les uns par une forme « soft » ou « yin » aux accents « médico-énergétiques » et pour les autres par une forme « hard » ou « yang » axée sur le défoulement et la performance gestuelle.

Misez sur votre sens de l’adaptation !

Par nature, les arts martiaux sont plus profonds puisqu’ils nous invitent à une expérience concrète du mouvement rendue possible par un cheminement intérieur qui peut conduire les plus assidus d’entre-nous à ressentir cette légitimité lumineuse qui éclaire le visage des grands maîtres. Cette authenticité et ce réalisme pédagogique, je l’ai retrouvé auprès des enseignants les plus honorables et je garde à l’esprit leurs recommandations précieuses pour affronter de la meilleure façon les pires conditions. D’abord, s’habiller intelligemment en respectant le principe des trois couches pour éviter d’être refroidi par sa propre transpiration. Ensuite, penser à s’hydrater convenablement bien que la soif soit moins préoccupante en hiver et enfin penser à s’alimenter en emportant avec soi une banane, quelques fruits secs, etc. S’agissant de la pratique, il est crucial de miser sur votre sens de l’adaptation. Car tout comme il est recommandé de manger les fruits et légumes de saisons, il est important de pratiquer les exercices en fonction du climat. En hiver, les muscles sont plus difficiles à chauffer, la dépense énergétique est plus forte et les repères changent avec la nuit qui tombe dès la fin de l’après-midi. On peut donc profiter du sol enneigé pour perfectionner ses déplacements lents ou rapides, privilégier la circulation de l’énergie et redynamiser l’énergie interne grâce aux mouvements circulaires qui réchauffent le corps ou bien sauter à la corde à plusieurs reprises pendant la séance pour rester disponible à la fois physiquement et mentalement.

Au final, ces escapades nous revitalisent, elles ont l’effet d’un test « grandeur nature » aux accents réalistes et sincères. Un bon moyen d’améliorer son éveil et sa qualité de présence pour apprécier plus encore l’enseignement de son école.

Claude Boiocchi

Chronique publiée dans le magazine dragon n° 13

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20 février 2006

Zen debout

Catherine David est journaliste au Nouvel Observateur, romancière et artiste dans l’âme. Dans un livre à la fois sensible et juste elle considère ses deux passions, le piano et le Tai chi chuan et trouve les mots pour exprimer l’essentiel d’une expérience d’apprentissage intense et doublement épanouissante pour le corps et l’esprit. Une œuvre au style unique qui propulse La beauté du geste, au rang des classiques. Extrait.

                     

Beaut__du_geste_couvAprès la cérémonie du salut, qui est déjà une mise en condition physique, Kenji Tokitsu annonce dans un murmure: « Ritsu zen[1] ! » La torture recommence. Pas une fois, depuis un an, il ne nous en a fait grâce. Nous prenons place pour la traversée du désert. La mémoire n'intervient pas dans cette épreuve qui consiste à se tenir debout, immobile, pieds légèrement écar­tés, jambes à demi pliées, dos droit, tête haute. Rien de spectaculaire, rien de bien terrible, surtout si les genoux restent à peine pliés. Mais les bras, eux, sont levés et forment devant la poitrine un cercle magique.

Bientôt les battements du coeur s'accélè­rent, les épaules se crispent. Alerte ! Déten­dre les épaules ! Ralentir le souffle ! Bien entendu, c'est le plus difficile : le contraire de ce qu'on fait instinctivement dans l'ef­fort. Peu à peu le calme revient, les épaules s'abaissent de quelques centimètres et les bras s'allègent aussitôt : la force qui les sou­tient afflue directement du ventre. Les muscles n'y sont pour rien, ou presque. Tout l'édifice repose sur son centre. Les mains s'élargissent, prennent appui sur l'es­pace. Le dos s'allonge, les jambes semblent s'enfoncer dans le parquet, y prendre racine.

Ritsu_Zen« Imaginez que votre image se reflète dans le sol, sous vos pieds. » Dociles, nous tentons d'imaginer ce double fantomatique, petit bonhomme accroché à nos semelles, tête en bas vers les antipodes. Nous pen­sons avec étonnement que la terre est ronde. La plante de nos pieds devient une paume, ultrasensible à la fraîcheur du bois, à la sensation d'exister. Des racines en forme de jambes poussent sous nos pieds. Nos mains, paumes retournées vers le bas, semblent s'appeler l'une l'autre en prenant appui sur l'air, dont la consistance s'épais­sit à chaque instant. (Où commence le ciel, déjà ?) La poitrine se creuse légèrement, sans altérer l'angle formé par le haut de la cuisse et la naissance de l'aine. La main est reliée à l'avant-bras par un poignet souple qui laisse circuler les sensations.

Extrait du livre de Catherine David, La beauté du geste (Ed. Calman Levy)

Pour en savoir plus sur Kenji Tokitsu : http://www.tokitsu.com/

En photo : Maître Kenishi Sawaï, fondateur du Tai Ki Ken


[1] Terme japonais signifiant le « zen debout ». Issu du bouddhisme chinois (le chan), le zen est à la fois un mode d'appréhension du monde et une discipline méditative visant au perfectionnement de soi. La méditation ne se limite pas à la position immobile : elle peut avoir lieu au cours d'une séquence gestuelle quelle qu'elle soit, pourvu qu'elle soit ritualisée et conforme à la règle.

9 février 2006

Le corps surnuméraire

Anthropologie du corps et modernité, par David Le Breton (extrait)

giacometti2Depuis le néolithique, l'homme a le même corps, les mêmes potentialités physiques, la même force de résistance aux données fluctuantes du milieu. Pendant des millénaires, et encore aujour­d'hui, dans la plus grande partie du monde, les hommes ont marché pour se rendre d'un lieu à un autre, ils ont couru, nagé, ils se sont dépensés dans la production quotidienne des biens nécessaires à la survie de leur communauté. Jamais sans doute comme aujourd'hui dans les sociétés occidentales, on a aussi peu utilisé la motilité, la mobilité, la résistance physique de l'homme. La dépense nerveuse (stress) a pris historiquement la place de la dépense physique. L'énergie proprement humaine (c'est-à-dire les ressources du corps) est rendue passive, inuti­lisable, la force musculaire est relayée par l'énergie inépuisable fournie par les dispositifs technologiques. Les techniques du corps, même les plus élémentaires (marcher, courir, nager, etc.), reculent et ne sont que partiellement sollicitées au cours de la vie quotidienne, le rapport au travail, les déplacements, etc. On ne se baigne pratiquement plus dans les rivières ou les lacs (sauf en de rares endroits autorisés), on n'utilise plus, ou rare­ment, sa bicyclette (et non sans danger) ou ses jambes, pour se rendre à son travail ou se déplacer, malgré les encombrements urbains, etc. En ce sens, le corps de l'homme des années cin­quante ou même des années soixante était infiniment plus présent à sa conscience, ses ressources musculaires plus au cœur de la vie quotidienne. La marche, la bicyclette, la bai­gnade, les activités physiques liées au travail ou à la vie domes­tique ou personnelle favorisaient l'ancrage corporel de l'exis­tence. A l'époque, la notion d'un " retour au corps aurait paru incongrue, difficile à saisir. Entre-temps en effet, l'engagement physique de l'homme dans son existence n'a cessé de décliner,

Cette part inaliénable de l'homme est socialisée sur le mode de l'effacement, diminuée, voire occultée. La dimension sensible et physique de l'existence humaine tend à rester en jachère, au fur et à mesure que s'étend le milieu technique.

Les activités possibles du corps, celles par lesquelles le sujet construit la vivacité de sa relation au monde, prend conscience de la qualité de ce qui l'entoure et structure son identité per­sonnelle, tendent à s'atrophier. Le corps de la modernité res­semble à un vestige. Membre surnuméraire de l'homme, que les prothèses techniques (automobiles, télévision, escalators, trottoirs roulants, ascenseurs, appareils de toutes sortes...) n'ont pu parvenir à supprimer intégralement. C'est un reste, un irréductible, contre quoi se heurte la modernité. Le corps se fait d'autant plus pénible à assumer que se restreint la part de ses activités propres sur l'environnement. Mais la réduction des activités physiques et sensorielles n'est pas sans incidence sur l'existence du sujet. Elle entame sa vision du monde, limite son champ d'action sur le réel, diminue le senti­ment de consistance du moi, affaiblit sa connaissance directe des choses. A moins de freiner cette érosion par des activités de compensation, spécialement destinées à favoriser une reconquête cinétique, sensorielle, ou physique de l'homme, mais en marge de la vie quotidienne.

Atrophie de la motilité et de la mobilité de l'homme par le recours incessant à l'automobile. Réduction de la surface des logements, fonctionnalisation des pièces et des lieux, nécessité de se déplacer vite sous peine de gêner les autres. Dans la vie sociale, le corps est plus souvent vécu sur le mode de l'encom­brement, de l'obstacle, source de nervosité ou de fatigue que sur le mode de la jubilation ou de l'écoute d'une possible musique sensorielle. Les activités du sujet consomment davan­tage d'énergie nerveuse que d'énergie corporelle. D'où l'idée commune aujourd'hui de « bonne fatigue » (liée aux activités physiques) et de «mauvaise fatigue» (liée à la dépense nerveuse).

Les lieux affectés à la flânerie dans la ville, les vieux quar­tiers, les trottoirs, se font au fil du temps moins hospitaliers aux promeneurs, les structures urbaines sont pliées aux impé­ratifs de la circulation automobile. Raréfaction de l'espace de déambulation. Concentration des activités dans les centres-­villes saturés, bondés par les foules, qui contribuent à priver le passant de son rythme déambulatoire personnel pour le soumettre à l'impératif anonyme d'une circulation piétonnière rapide. Le déplacement fonctionnel d'un lieu à un autre tend à remplacer la flânerie (à l'exception sans doute des dimanches) ce qui n'est pas sans retentissement sur le plaisir sensoriel et cinétique.

Avec une intuition remarquable, P. Virilio dans les années soixante-dix avait déjà bien perçu cet affaiblissement des acti­vités proprement physiques de l'homme, en soulignant notam­ment combien " l'humanité urbanisée devient une humanité assise ». Hormis les quelques pas qu'ils font pour se rendre à leur voiture ou en sortir, une majorité d'acteurs demeurent assis à longueur de journée. Virilio a bien posé le dilemme qui naît de la sous-évaluation des fonctions corporelles dans l'exis­tence de l'homme, notamment au plan de l'élaboration d'une identité personnelle. « Avant d'habiter le quartier, le logement, l'individu habite son propre corps, établit avec lui des rapports de masse, de poids, d'encombrement, d'envergure, etc. C'est la mobilité et la motilité du corps qui permettent l'enrichis­sement des perceptions indispensables à la structuration du moi. Ralentir, voire abolir cette dynamique véhiculaire, fixer au maximum les attitudes et les comportements, c'est perturber gravement la personne et léser ses facultés d'intervention dans le réel. »[1] 

La modernité a réduit le continent corps. C'est parce que ce dernier a cessé d'être le centre rayonnant du sujet qu'il a perdu l'essentiel de sa puissance d'action sur le monde, que les pratiques ou les discours qui le cernent prennent cette ampleur. Parce qu'il est absent du mouvement ordinaire de la vie, il devient l'objet d'un souci constant sur lequel se greffent un marché considérable et de nouveaux enjeux symboliques. Les pratiques corporelles se situent à un carrefour où se croisent la nécessité anthropologique de la lutte contre le morcellement ressenti en soi et le jeu des signes (les formes, la forme, la jeunesse, la santé, etc.) qui ajoute au choix d'une activité physique un supplément social décisif. Si l'acteur se « libère » dans ces pratiques, ce n'est pas à sa seule initiative, l'ambiance d'un moment l'incite à le faire selon certaines modalités, mais il s'y donne avec d'autant plus d'engagement personnel qu'il éprouve lui-même la nécessité de lutter contre le manque à être que lui procure la non-utilisation de son énergie corporelle.

Mais il ne peut y avoir là de « retour » au corps. Le corps est toujours là, indiscernable de l'homme, à qui il confère une présence, quel que soit l'usage que celui-ci fait de sa force, de sa vitalité, de sa sensorialité. C'est plutôt un autre usage de soi, à travers son corps, qui se fait jour, un souci nouveau : celui de restituer à la condition occidentale la part de chair et de sensorialité qui lui fait défaut. Effort pour rassembler une identité personnelle morcelée dans une société morcelante.

La préoccupation croissante pour la santé et la prévention amène aussi au développement de pratiques physiques (jogging, parcours du cœur, etc.). Elle conduit également les acteurs à prêter une conscience plus attentive à leur corps, à leur nour­riture, à leur rythme de vie. Elle induit la recherche d'une activité physique régulière. Là aussi se dégage un usage de soi qui vise à restaurer un équilibre rompu, ou délicat à maintenir entre le rythme de la modernité et les rythmes personnels. Une représentation de la maladie moins fatale se met en place, on considère que la maladie trouve dans les manières de vivre, les habitudes alimentaires, l'hygiène de vie, etc., les conditions favorables à son essor.

[1] Paul Virilio, Essai sur l'insécurité du territoire, Paris, Stock, 1976.

Extrait de Anthropologie du corps et modernité,

par David Le Breton, sociologue, PUF, 2003 


8 février 2006

L'activité physique intelligente

Claude_Boiocchi_blog_2Si nous cherchons les points communs entre les multiples activités qui nous occupent au cours d’une journée, nous constatons que notre rapport  au corps et au geste joue un rôle important dans chacune de nos initiatives, et cela en plus de notre culture et d’autres paramètres extérieurs. On distingue d’ailleurs facilement une personne qui s’entretient physiquement (même modestement) d’une personne totalement sédentaire. Souvent, ceux qui négligent cet entretien ont une santé fragile, une posture qui trahit un manque de vigueur et d’énergie, une démarche qui semble plus raide, des gestes peu sûrs et qui manquent de grâce. Avec le temps, même les plus résistants finissent par devenir étrangers à leur propre corps…

Cette situation m’a incité à vouloir remettre au goût du jour la notion de « culture physique », aujourd’hui tombée en désuétude. Traduisant le principe toujours essentiel du « Connais-toi toi-même ! » à travers la production du geste et la compréhension du corps, cette expression a en effet été littéralement dénaturée par le concept d’activité sportive qui bénéficie surtout aux marchands du temple (magazines, vêtements sportwear, salles et appareils de musculation, marques agro-alimentaires etc.). En survalorisant le loisir et le défoulement (et cela dès l’apprentissage du sport à l’école), cette propagande n’a fait que favoriser l’apparition de deux camps opposés : les sportifs et les non sportifs. Les premiers, souvent obnubilés par la performance, la compétition et le paraître et les seconds, culpabilisés et renvoyés à leur paresse. Et tandis que les uns prétendent « s’éclater » en pratiquant les sports et les activités à la mode, les autres, une majorité de déçus et de frustrés n’ont finalement que peu d’alternatives !

Il existe cependant une troisième voie, moins spectaculaire certes mais pourtant salutaire, qui nous oriente vers la pratique d’une activité physique favorisant une perception du corps évoluée et « intelligente » [1], et qui se caractérise notamment par un effort régulier pour préserver son bien être jour après jour. Car n’en doutons pas : le corps ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! Et c’est souvent l’absence de mouvement qui intervient dans la dérégulation du sommeil, qui accroît le stress ou le mal de dos, qui prédispose à la dépression, qui favorise l’anémie et l’asthénie et qui finit par nous rendre étrangers à notre propre corps et même à nos propres projets. Autant de symptômes modernes qui témoignent le plus souvent d’une dysharmonie entre l’équilibre nerveux et le niveau de dépense physique, et qui faute d’une culture physique suffisante prennent facilement racine. Trompés par les nombreux clichés que nous avons en tête, nous manquons finalement de notions à propos du corps et de l’effort physique et c’est pourquoi j’ai acquis la conviction que notre méfiance à l’égard du mouvement était  bien souvent le signe d’un défaut d’apprentissage. 

C.B


[1] « L’activité physique faite de façon intelligente est, avec l’alimentation, le meilleur médicament qui soit. » résume ainsi le Docteur Alain Ducardonnet, cardiologue et médecin du sport  à l’Institut Cœur Effort Santé de Paris. Dossier  « Bougez ! C’est bon pour la santé. », Mutuelle Magazine, Juillet 2003, n°3, p.7 


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