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8 mars 2006

Vive le vent d’hiver !

kung_fu_13Quantité de contes et légendes racontent les épreuves imposées par le maître au jeune disciple. La série Kung Fu, qui suscita bien des vocations en France, n’échappe pas à la règle et débute par le « test d’admission » du jeune Kwaï Chang Ken laissé plusieurs jours devant les portes du temple. Loin d’être anecdotique, cette séquence montre combien il est important de s’exposer régulièrement aux conditions les plus rudes (le vent, la pluie, le froid, etc.) pour resituer sa démarche et éprouver sa motivation. Je pense même que la rigueur d’un entraînement hivernal forge le mental pour l’année entière et que la passion authentique en sort toujours renforcée.

S‘imprégner des principes de la nature

Les samouraïs ne veillaient-ils pas à entretenir leur âme de guerrier en mettant un point d’honneur à perfectionner leur art, même aux heures les plus froides de l’année ? Et n’est-ce pas dans ce même état d’esprit que Matsutastu Oyama, initiateur d’un Karaté moderne et réaliste, s’isola dans la montagne pendant plusieurs saisons d’affilées pour se concentrer sur l’essentiel et s’imprégner des principes ? Dans une moindre mesure, je me souviens de ces stages intensifs de Kyokushinkaï dirigés par Alain Setrouk, lorsque nous claquions des dents sur les plages normandes. Je revois ces dizaines de pratiquants venus de toute la France pour partager une passion commune et retrouver l’humilité d’un Karaté épuré. J’ai également le souvenir de ces longues séances matinales de méditations posturales dirigées par Maître Ming Shan dans son petit coin de parc parisien. Je me remémore le froid extrême qui nous congelait sur place durant ces interminables heures de Zhanzuang orchestrées par un maître aussi alerte qu’exigeant. Je me revois, si impatient, guettant sa venue de quart d’heure en quart d’heure pour corriger mon attitude et favoriser ainsi la juste circulation de l’énergie.

Toutes ces expériences m’ont enseignées qu’entre l’entraînement en salle et en extérieur il y a autant de différence qu’entre le fait de nager dans une piscine chauffée et dans la mer. Que vaut une salle climatisée, une atmosphère confinée et la dynamique d’un groupe soucieux de son petit confort face au aux conditions vivifiantes d’un parc exposé aux frimas ? N’oublions pas que les « créateurs »  des arts martiaux, qu’il s’agisse de paysans, de moines ou de guerriers, étaient le plus souvent des personnes humbles menant une vie simple et rude. D’aucun qualifieront peut-être cette fascination pour le froid de masochiste et sans doute l’associeront-ils à la quête délirante d’un dépassement absolu de soi-même ! Or là n’est pas mon propos et bien qu’il faille savoir raison garder, y compris lorsqu’il s’agit de l’entraînement, j’encourage néanmoins mes élèves à se mobiliser en toute occasion et à ne surtout pas laisser passer l’occasion d’aller pratiquer ne serait-ce qu’une vingtaine de minutes dans un parc blanchi par la neige, rendu glissant par le givre matinal ou simplement rafraîchi par la pluie. Toutes ces ambiances possèdent en effet comme un parfum d’authenticité. Les repères sont changés, les sensations s’affinent, l’esprit perçoit l’attitude correct ou le geste juste comme autant de récompenses à cette volonté d’être là. Aussi, percevoir ces instants comme une forme de torture serait une erreur, il s’agit plutôt de s’affranchir momentanément du confort de ces dojos tendance qui jurent avec la tradition. Trop de pratiquants confondent encore les arts martiaux avec une sorte de « fitness asiatique en salle » qui se traduit pour les uns par une forme « soft » ou « yin » aux accents « médico-énergétiques » et pour les autres par une forme « hard » ou « yang » axée sur le défoulement et la performance gestuelle.

Misez sur votre sens de l’adaptation !

Par nature, les arts martiaux sont plus profonds puisqu’ils nous invitent à une expérience concrète du mouvement rendue possible par un cheminement intérieur qui peut conduire les plus assidus d’entre-nous à ressentir cette légitimité lumineuse qui éclaire le visage des grands maîtres. Cette authenticité et ce réalisme pédagogique, je l’ai retrouvé auprès des enseignants les plus honorables et je garde à l’esprit leurs recommandations précieuses pour affronter de la meilleure façon les pires conditions. D’abord, s’habiller intelligemment en respectant le principe des trois couches pour éviter d’être refroidi par sa propre transpiration. Ensuite, penser à s’hydrater convenablement bien que la soif soit moins préoccupante en hiver et enfin penser à s’alimenter en emportant avec soi une banane, quelques fruits secs, etc. S’agissant de la pratique, il est crucial de miser sur votre sens de l’adaptation. Car tout comme il est recommandé de manger les fruits et légumes de saisons, il est important de pratiquer les exercices en fonction du climat. En hiver, les muscles sont plus difficiles à chauffer, la dépense énergétique est plus forte et les repères changent avec la nuit qui tombe dès la fin de l’après-midi. On peut donc profiter du sol enneigé pour perfectionner ses déplacements lents ou rapides, privilégier la circulation de l’énergie et redynamiser l’énergie interne grâce aux mouvements circulaires qui réchauffent le corps ou bien sauter à la corde à plusieurs reprises pendant la séance pour rester disponible à la fois physiquement et mentalement.

Au final, ces escapades nous revitalisent, elles ont l’effet d’un test « grandeur nature » aux accents réalistes et sincères. Un bon moyen d’améliorer son éveil et sa qualité de présence pour apprécier plus encore l’enseignement de son école.

Claude Boiocchi

Chronique publiée dans le magazine dragon n° 13

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